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Vaesca

Absorption de l’intime

Texte original à voir sur le site canolinecritiks.blogspot.com

La photographie, la danse, le corps et la peinture sont pour elle des terrains de créativité hybrides, en fusion. En soulignant leur malléabilité, Catherine Vaesca leur redonne une consistance singulière, une nouvelle combinaison qui capture l’évanescence des présences.

Ses modèles sont des couples qu’elle photographie dans leur intimité. Elle chorégraphie la séance, ordonne l’échange, le toucher, l’effleurement, l’enroulement, la lutte des corps étendus ; une sorte de danse-contact effectuée au sol qu’elle saisit avec son téléphone portable.

« Habiles, ils bougent, dansent allongés pour exprimer la tendresse et l’amour de leur union. Leur jeu de jambes donne l’impression d’une lévitation. J’ai le sentiment de les unir en apesanteur dans la légèreté et la grâce. »

Sur ordinateur, elle efface le fond du cliché pour se concentrer sur l’essentiel ; les corps emmêlés. Un premier monotype sur transparent lui permet d’agir sur l’image en laissant se diffuser et se propager le lavis d’encre et l’eau. La représentation se dilue petit à petit, le figuré s’écarte du tangible. L’image absorbée est enfin pressée sur papier photo dans le mouvement, à plusieurs reprises.

« Le flou, les effets d’eau et d’encre qui se mélangent sont nécessaires pour exprimer la fusion des corps. J’attire le regard sur des parties de corps et en fait disparaître d’autres. »

La matière et la transparence sont sculptées pour faire émerger des formes inhabituelles. Les poses lascives et expressives revisitées des modèles participent à un certain lyrisme.

La frontière entre le masculin et le féminin se franchit pour envisager une nouvelle manière d’appréhender les corps qui ne font plus qu’un. Sous cette forme libératrice, les forces en présence, les tensions, les équilibres se révèlent. Les rapports de désir se confondent, les fantasmes se tournent et retournent. La palette participe à ce ressenti. « Je suis à la recherche d’une subtilité de tâches et de tons, d’une certaine délicatesse dans les dégradés qui forment le lien. »

Sensualité, discours amoureux, les points de vue se décryptent et s’inversent pour laisser le réel se conjuguer à la fiction. Ce n’est pas la photographie qui fait sens mais sa transformation. De l’exploration à la composition, de la figuration à l’abstraction, l’artiste propose une tentative de l’entre-deux, entre matérialité et immatérialité, entre le visible et l’invisible. Ce nouvel espace articule le regard sur l’image transfigurée, pointant sa charge émotionnelle et proprement illusionniste. L’abandon de la ressemblance au profit de l’essentiel laisse surgir la puissance poétique et la perte des repères.

Catherine brouille, perturbe sans pour autant effacer en soulignant les potentialités de narration et d’imagination des images, leur condition accidentée, leur capacité de fragmentation, d’absorption, d’apparence, de rêve. L’œuvre est habitée de sa vie propre, envisagée à chaque fois dans un état modifié,opacifié ou plus épuré. Ce véritable plongeon dans l’intime laisse le regard s’enfoncer. L’immersion est d’un enchantement habile.

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